Évaluations formatives : l’investissement qui sauve vos dispositifs médicaux
Dans le développement des dispositifs médicaux, l’évaluation sommative occupe souvent toute l’attention des fabricants.
Dernière étape du processus, elle sert à démontrer que l’interface peut être utilisée en toute sécurité par les utilisateurs finaux dans l’environnement d’utilisation prévue.
C’est souvent là que surgissent les mauvaises surprises : fonctionnalités essentielles non prises en compte ou au contraire, non pertinentes, erreurs d’utilisation non prévues, modifications de l’interface nécessaires, et parfois une nouvelle évaluation sommative à réaliser.
Alors, comment éviter ces retours coûteux et ces itérations de dernière minute ? La réponse tient en deux mots : évaluations formatives.
Pourtant, elles restent largement sous-estimées. La plupart des fabricants en font déjà, souvent sans s’en rendre compte mais sans structurer ni valoriser ces démarches. Or, loin d’être un coût supplémentaire, l’évaluation formative est un véritable investissement pour la sécurité et l’efficacité de vos dispositifs.
Qu’est-ce qu’une évaluation formative ?
D’après la norme EN 62366-1, l’évaluation formative est une évaluation de l’interface utilisateur visant à explorer ses forces et ses faiblesses, ainsi que les erreurs d’utilisation imprévues. Son objectif principal : guider la conception.
Il ne s’agit pas de vérifier si l’interface utilisateur « fonctionne » techniquement, mais de comprendre comment les utilisateurs interagissent avec celle-ci et où les erreurs d’utilisation peuvent survenir.
Les résultats servent à améliorer l’interface utilisateur de manière continue, à rendre son usage plus intuitif et à réduire les risques d’erreurs.
Quand et comment la mettre en place ?
Une évaluation formative ne doit pas attendre la fin du développement, bien au contraire !
Elle doit commencer tôt et de manière itérative tout au long du développement, peu importe que le dispositif soit un dessin, une maquette 3D, une version draft…
Vous devez réaliser autant d’évaluations formatives que nécessaire, mais au moins deux ou trois sont recommandées. La décision d’arrêter l’itération de la conception de l’interface utilisateur se fonde sur le niveau de qualité atteint lors des évaluations précédentes.
Chaque évaluation comprend plusieurs étapes :
- Identification de la méthode
- Rédaction du protocole
- Évaluation
- Analyse des résultats
- Rédaction du rapport contenant les recommandations et la justification de leur prise en compte, ou non.
L’annexe E de l’IEC TR 62366-2 : 2016 propose 19 méthodes pouvant être considérées comme des évaluations formatives, toutes adaptables en fonction du budget, du temps disponible et des objectifs de votre évaluation :
- Revues par un panel consultatif (Advisory panel reviews)
- Brainstorm sur les scénarios d’utilisation
- Parcours cognitif (Cognitive walkthrough)
- Audit expert (Expert reviews)
- FMEA & FTA
- Focus groups
- Analyse fonctionnelle (Function analysis)
- Analyse heuristique
- Observation
- Entretiens individuels
- Conception participative
- Analyse PCA
- Simulation
- Standards reviews
- Questionnaires
- Analyse des tâches
- Études de temps et de mouvements (Time-and-motion studies)
- Tests utilisateurs
- Évaluation de la charge mentale (Workload assessment)
Le choix de la méthode dépend de votre objectif : souhaitez-vous mettre à jour l’analyse des risques, concevoir ou créer de nouvelles fonctionnalités, ou simplement évaluer votre interface ?
Le nombre d’utilisateurs nécessaires varie selon la méthode choisie. Par exemple, pour les tests utilisateurs formatifs, six à huit participants par groupe représentatif suffisent souvent, contre minimum 15 participants par groupe pour une évaluation sommative.
Intégrer une évaluation formative en amont permet de limiter les chances une seconde sommative, souvent beaucoup plus coûteuse, tout en offrant davantage de flexibilité dans le processus.
Pourquoi investir dans l’évaluation formative ?
Les bénéfices sont nombreux :
- Éliminer les fonctionnalités inutiles ou mal conçues : dès les premières itérations, on peut identifier ce qui ne sert pas l’utilisateur et éviter de perdre du temps et des ressources sur des fonctions superflues.
- Cibler les priorités de développement : l’évaluation formative oriente sur la direction à prendre et permet de concentrer les efforts sur les fonctionnalités et les risques qui doivent être traités en priorité.
- Prévenir les erreurs de conception coûteuses : corriger une erreur en fin de développement, après une évaluation sommative ou après commercialisation est beaucoup plus onéreux que de la détecter en amont lors d’une évaluation formative.
En pratique, beaucoup de problèmes relevés en fin de développement (interfaces trop complexes, erreurs d’utilisation critiques, fonctionnalités « inutiles ») auraient pu être anticipés par des évaluations formatives. Ces évaluations permettent d’éviter de revenir sur des choix majeurs lorsque le produit est déjà presque finalisé.
Quelques idées reçues à lever
“C’est trop tôt pour tester” :
Non. Les prototypes n’ont pas besoin d’être parfaits, il suffit d’une idée ou d’un concept. Chaque itération fournit des informations précieuses pour ajuster la conception. De plus, il est préférable de modifier un « petit prototype » plutôt un prototype presque finalisé ayant déjà engendré beaucoup de coûts.
“Ça coûte trop cher” :
La flexibilité des méthodes permet d’adapter les évaluations au budget, aux ressources et à l’objectif. Comparé aux coûts d’une modification après avoir finalisé voir commencer la production, l’investissement est plus que rentable.
“On n’a pas le temps, on verra ça plus tard” :
Tester tôt et régulièrement fait gagner du temps à long terme. Les évaluations formatives permettent de détecter les problèmes avant qu’ils ne deviennent coûteux et complexes à corriger. Chaque découverte tardive entraîne des retards, des modifications multiples et parfois une nouvelle évaluation sommative. En réalité, reporter les tests pour « plus tard » prolonge le développement, alors qu’un investissement précoce permet de respecter les délais et d’éviter les urgences de dernière minute et de perdre du temps sur une fonctionnalité qui finira par être retirée.
« Je ne préfère pas en faire, je n’ai pas le temps ni le budget d’intégrer toutes les modifications, cela va desservir à mon dossier » :
Vous n’êtes pas obligé d’intégrer tous les retours. Les participants vont formuler des suggestions et vous observerez vous-mêmes des points d’amélioration, mais il s’agit de prioriser les modifications selon leur pertinence, leur impact et les contraintes (technique, interne, etc.). La norme n’exige pas que tout ce qui figure dans le rapport soit mis en œuvre, seulement que toute décision de ne pas agir soit justifiée (ressources, budget, priorité, pertinence…).
Une approche stratégique et sécurisante
Contrairement aux idées reçues, les évaluations formatives n’alourdissent pas le processus de développement : elles le guident, préviennent les retours coûteux et améliorent le dispositif final.
Dans un secteur aussi dynamique que la Medtech, investir dans des évaluations formatives, c’est garantir que l’innovation ne se heurte pas à des erreurs évitables. Ce n’est pas un « bonus coûteux », mais une étape nécessaire pour assurer la qualité, la sécurité et la pertinence de votre dispositif pour les utilisateurs finaux, et c’est souvent le meilleur moyen de garantir que votre produit, aussi innovant soit-il, sera réellement utilisé et apprécié sur le terrain.