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IA dans la pharma : moteur d’innovation ou illusion technologique ?

L’intelligence artificielle ne se contente plus d’accélérer la R&D : elle redessine l’ensemble de la chaîne pharmaceutique. Pour les professionnels de santé, dirigeants ou chercheurs, comprendre ses apports – et ses limites – devient stratégique pour anticiper les évolutions du secteur.

Recherche accélérée, essais cliniques réinventés, prise de décision optimisée : l’intelligence artificielle est en train de bouleverser l’industrie pharmaceutique. Mais au-delà des effets d’annonce, une question cruciale se pose aux professionnels : comment faire de l’IA un levier de transformation concrète, et non un mirage technologique ?

L’IA entre en phase active dans la pharma

D’après Vivanti, le marché mondial de l’IA appliquée aux essais cliniques atteindra 1,73 milliard de dollars dès 2025. L’essor est fulgurant, porté par des modèles génératifs capables d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques ou de repositionner des molécules déjà existantes. Insilico Medicine ou Recursion affirment réduire de plus de 60 % le temps de développement préclinique, ramenant le time-to-market à cinq ou sept ans au lieu de dix à quinze.

Sur le terrain, cette dynamique se traduit par des essais cliniques plus ciblés et un suivi patient en quasi-temps réel, grâce à un monitoring automatisé qui détecte très tôt les signaux de réponse ou de toxicité. Les institutions publiques ne restent pas en retrait : en France, 400 millions d’euros sont mobilisés dans le plan Innovation Santé 2030, signant la volonté d’adopter l’IA pour accélérer la mise en marché des innovations pharmaceutiques. Pourtant, derrière ces chiffres prometteurs, la mise en œuvre industrielle révèle des difficultés à surmonter.

Promesses techniques et défis organisationnels

Adopter l’IA à grande échelle ne se limite pas à intégrer des algorithmes dans les systèmes existants. Cela exige une refonte des méthodes de travail, une harmonisation des formats de données et une évolution des compétences au sein des équipes R&D, médicales et réglementaires. Trop souvent, la fragmentation des informations – hôpitaux, laboratoires ou start-ups travaillant chacun sur des bases différentes – empêche l’entraînement d’un modèle fiable. La pénurie de profils hybrides, capables de comprendre à la fois les enjeux cliniques et les subtilités technologiques, retarde la mise en place de projets robustes.

Une IA alimentée par des données incomplètes ou biaisées se transforme vite en facteur de risque plutôt qu’en accélérateur de progrès. Les cas concrets où des projets ou des essais ont échoué faute d’un cadre unifié sont légion. À cela s’ajoute la question de l’explicabilité : un praticien ne peut pas se contenter d’une boîte noire. Chaque décision algorithmique doit pouvoir être auditée, comprise et justifiée. Or, sans standardisation ni gouvernance claire, de nombreuses initiatives stagnent à l’état de preuve de concept.

Biolevate : l’industrialisation de l’IA en environnement complexe

C’est dans cette optique que la société Biolevate se positionne comme partenaire d’industrialisation plutôt que simple fournisseur de solutions. Interrogée par Medtech France, la direction de Biolevate souligne la nécessité de s’appuyer sur une plateforme pensée dès le départ pour répondre aux exigences réglementaires mondiales. « Nous permettons aux acteurs pharmaceutiques, MedTech et institutionnels d’accéder rapidement à des données structurées, fiables et traçables. Cela leur permet de sécuriser leurs processus R&D, d’accélérer l’accès au marché international et de mieux répondre aux exigences réglementaires évolutives », explique Biolevate.

Au-delà de la rapidité, c’est la conformité qui prime. « Alors que la majorité des initiatives IA en santé restent encore au stade expérimental ou isolé, Biolevate construit des plateformes natives, totalement alignées sur les standards de conformité globaux (FDA, EMA, AI Act). L’approche agentique, la transparence algorithmique et la modularité technologique nous positionnent non pas comme un fournisseur d’outils, mais comme un partenaire d’industrialisation de l’IA en environnement complexe. »

Anticipation réglementaire comme levier de compétitivité

Dans un secteur où la moindre faille documentaire peut entraîner le blocage d’une mise sur le marché, la veille réglementaire devient un enjeu stratégique. Biolevate a choisi de développer des agents prédictifs capables de détecter les évolutions normatives et de simuler leur impact sur les pipelines cliniques. « Nos agents anticipent les changements normatifs et évaluent leur conséquence sur les dossiers en cours, permettant aux équipes de s’adapter en quasi-temps réel », détaille la société. Cette capacité à ajuster instantanément les dossiers de soumission devient rapidement un différenciateur pour les entreprises qui souhaitent internationaliser leurs essais.

Pourtant, la régulation reste mouvante. La FDA a validé plus de 950 dispositifs IA/ML en santé à l’été 2024, mais le cadre juridique ne suit pas toujours la cadence. Au Royaume-Uni, une IA ne peut pas encore être reconnue comme inventeur dans un brevet, ce qui complique la valorisation des innovations entièrement générées par des algorithmes. Les acteurs deeptech se retrouvent dès lors pris entre la nécessité d’innover rapidement et la complexité d’un droit en pleine évolution.

En Europe, l’AI Act impose des exigences strictes sur la transparence, la documentation et la traçabilité des IA à haut risque. Biolevate se veut moteur de cette transition en assurant une gouvernance rigoureuse des données et une conformité permanente : « Nous préparons nos partenaires à cette nouvelle ère, où l’automatisation intelligente et la convergence entre IA, conformité et compétitivité mondiale seront la norme ».

Vers une pharma augmentée… mais à quel prix ?

Si la tendance se confirme, l’IA pourrait bouleverser trois grands équilibres dans l’industrie pharmaceutique. D’abord, la capacité à analyser en continu les données patients et à ajuster les traitements en temps réel ouvrira la voie à une médecine plus personnalisée et réactive, là où aujourd’hui le suivi se fait à intervalles définis. Ensuite, le modèle économique pourrait basculer vers un « drug-as-a-service » : plutôt que de vendre des unités de médicament, les laboratoires factureront une prestation reconnue pour son efficacité mesurée en conditions réelles. Enfin, la gouvernance des décisions stratégiques, qu’il s’agisse de choisir les axes R&D ou d’adapter les protocoles cliniques, pourrait reposer de plus en plus sur des algorithmes, posant des questions éthiques majeures sur la responsabilité des décisions partiellement automatisées.

Pour l’instant, ces basculements sont encore en germe. Les premiers retours de terrain montrent des gains de temps et de coût, mais aussi des résistances culturelles. Cliniciens, data scientists et régulateurs doivent apprendre à dialoguer, à apprivoiser des logiques d’analyse différentes et à partager une même vision de la fiabilité. Le risque, si la formation et l’accompagnement ne suivent pas, est de creuser un fossé entre les initiatives pionnières et le reste de l’écosystème pharmaceutique.

Piloter la rupture sans la subir

L’IA n’est ni une mode passagère ni une solution miracle : elle est en train de redessiner l’ensemble des processus, de la recherche jusqu’à la production. Dans ce contexte, l’élément humain demeure la variable décisive. « L’humain reste le garant final de la décision », insiste Biolevate. « Nous construisons des outils pour que l’expertise médicale et réglementaire soit mieux orientée vers l’analyse stratégique, et non plus accaparée par des tâches répétitives. »

Pour les professionnels de santé, les biotech et les industriels, la question n’est plus de savoir si l’IA doit être adoptée, mais de déterminer comment la mettre en œuvre de manière responsable et efficiente. Conserver une gouvernance claire, assurer la qualité des données et anticiper l’évolution du cadre réglementaire sont autant d’atouts pour ne pas laisser l’innovation se transformer en simple gadget.

En définitive, l’intelligence artificielle dans la pharma est à la fois une opportunité incroyable et un défi immense. Ceux qui réussiront à articuler vision stratégique, rigueur réglementaire et agilité opérationnelle seront en mesure de transformer le secteur, sans pour autant perdre de vue l’essentiel : l’amélioration continue de la santé humaine.

Clémence Minota

Je suis rédactrice spécialisée en santé et innovation, passionnée par l'impact des technologies sur l'évolution des soins médicaux. Mon expertise consiste à décrypter les dernières avancées du secteur et à fournir des contenus clairs et pertinents pour les professionnels de santé.

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