Manger plus sainement en milieu rural : réalité ou idée reçue ?

On imagine souvent que vivre à la campagne permet de manger plus sainement, plus local et plus « bio » qu’en ville. Jardins potagers, fermes à proximité, marchés de producteurs : les clichés ne manquent pas. Cette idée est-elle fondée ?

Des atouts bien réels mais pas universels

Dans les territoires ruraux, les habitants bénéficient d’un accès direct aux agriculteurs locaux : ventes à la ferme, produits de voisins, marché hebdomadaire dans les bourgs.

Ce n’est pas forcément du bio, mais cela permet d’avoir des produits frais, de saison et peu transformés. En Bretagne ou dans le Massif central, les producteurs vendent souvent en bord de route ou en petites halles locales, sans intermédiaire.

Des pratiques de dons ou d’échanges entre agriculteurs et habitants sont aussi courantes dans les villages, facilitant l’accès à des produits frais dans un esprit de solidarité. Le potager familial reste une pratique courante dans de nombreux foyers ruraux.

Selon l’INSEE, en 2021, plus de 30 % des ménages ruraux cultivaient une partie de leurs légumes pour l’autoconsommation et faire des conserves. Avoir des poules permet de produire …des œufs. Cela renforce l’autonomie alimentaire.

Une alimentation plus réfléchie et familiale

Une étude sur les transitions alimentaires en milieu rural montre que, comme en ville, beaucoup de familles cherchent à manger plus sainement, à diversifier leur alimentation, limiter les plats préparés et privilégier les produits frais, parfois bio.

Par ailleurs, en dehors des grandes zones commerciales, les fast-foods, plats préparés ou snacks industriels sont moins présents. Cela réduit mécaniquement la consommation de produits très gras, sucrés ou salés.

Contrairement aux clichés, les commerces de proximité ont vu leur nombre diminuer drastiquement. Entre 1980 et 1990, 24 % à 30 % des petits commerces alimentaires ont disparu en milieu rural.

Selon une étude de l’INRAE (2019), 1 habitant de milieu rural sur 4 n’a plus accès à un commerce alimentaire dans sa commune. Ces habitants dépendent entièrement de la voiture pour faire leurs courses, souvent dans des supermarchés éloignés, où les produits sains sont parfois rares ou chers.

En 2025, ce chiffre reste stable avec environ 26 % des habitants ruraux vivant dans une commune sans commerce de proximité, qui doivent parcourir plusieurs minutes en voiture pour accéder aux aliments de base.

Les déserts alimentaires existent aussi à la campagne

Le concept de désert alimentaire s’applique également aux zones rurales isolées : ce sont des territoires où accéder à des produits sains à prix raisonnable est complexe, faute de supermarchés ou de transports accessibles.

L’éducation alimentaire est moins présente dans certaines zones rurales. Il y a peu d’ateliers de sensibilisation, d’actions de santé publique, ou d’accompagnement nutritionnel de proximité.

Mobilité limitée, choix réduits, coût élevé

La faible densité rurale et la dispersion géographique compliquent l’accès à des produits diversifiés. Les commerces restants sont souvent des dépannages offrant peu de choix, parfois à des prix supérieurs ce qui limite la variété alimentaire nécessaire à une alimentation équilibrée. Les produits frais, surtout non traités, locaux ou non transformés, coûtent souvent plus cher que les produits industriels ou surgelés. En zone rurale, où le pouvoir d’achat est parfois plus faible, cela constitue une barrière réelle à une alimentation saine, comme le souligne le rapport de l’Observatoire rural (2023).

Réponses institutionnelles : une dynamique en construction

Une étude de l’ANSES (2022) montre que l’équilibre nutritionnel des foyers ruraux est légèrement inférieur à celui des foyers urbains, notamment chez les jeunes adultes et les familles modestes. Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) note également des inégalités régionales marquées, avec des carences plus fréquentes dans les zones éloignées des pôles urbains.

Projets Alimentaires Territoriaux (PAT)

Les collectivités territoriales mettent en place des PAT pour promouvoir l’agriculture durable, améliorer l’accès à une alimentation de qualité, promouvoir les produits locaux en restauration collective et accompagner les agriculteurs vers des pratiques plus saines. Ces initiatives sont soutenues par les services de l’État.

Programme National pour l’Alimentation (PNA)

Le PNA encadre la politique alimentaire française, notamment en soutenant l’accès à une alimentation diversifiée, de bonne qualité et durable. Il encourage les circuits courts, les produits de saison et les accords destinés à améliorer la qualité nutritionnelle des produits.

Bien manger à la campagne : réalité ou fausse idée ?

Manger plus sainement en milieu rural est possible, notamment grâce aux circuits courts, initiatives locales, et à une réflexion alimentaire familiale. Toutefois, vivre à la campagne ne garantit pas de mieux manger.

Mais dans les territoires ruraux isolés, manger plus sainement présente des obstacles sérieux : tout dépend de l’offre locale, des initiatives en place et des moyens disponibles, entre la fermeture des commerces alimentaires, déserts alimentaires, mobilité réduite, offre limitée et les coûts élevés.

 

Pascale Karila-Cohen

Dr Pascale Karila-Cohen, radiologue hospitalière, entrepreneuse engagée, fondatrice de docndoc.fr. Collectifs de professionnels de santé luttant contre les déserts médicaux depuis 2016.

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