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Nicolas vous en parle : ZiRA, l’outil méconnu qui remet de l’ordre dans le chaos numérique hospitalier

Pourquoi 80 % des projets numériques hospitaliers échouent ? Une réponse méthodique avec ZiRA et FHIR, pensée pour les réalités du terrain.

Ce que chaque direction hospitalière doit anticiper

Un constat brutal, mais vérifié : entre 60 et 80 % des projets numériques hospitaliers échouent au moment du déploiement. Non pas à cause de la technologie elle-même, mais parce qu’on oublie encore de prendre en compte les contraintes réelles de l’hôpital. Les acteurs, les flux, les résistances internes. Autrement dit : l’humain, l’organisation, et la gouvernance.

Dans un contexte post-pandémique où les promesses de transformation s’accumulent, un cadre méthodologique solide refait surface, avec une pertinence troublante : la ZiRA, ou Ziekenhuis Referentie Architectuur, développée aux Pays-Bas. Une architecture de référence pensée pour les hôpitaux… et conçue avec eux.

Pourquoi cette architecture de référence tombe à point nommé ?

L’enjeu ne se résume pas à passer du papier au numérique, ou à remplacer un logiciel vieillot par une solution plus moderne. La transformation numérique en santé ne se gagne pas à coups de budgets IT, mais par une réorganisation profonde, cohérente et maîtrisée.

C’est d’autant plus vital que la quatrième révolution industrielle bouscule déjà le secteur hospitalier, entre automatisation, intelligence artificielle et explosion des données de santé.

Et l’urgence est là. En 2050, un humain sur cinq aura plus de 60 ans. Avec un système de santé sous tension, ce défi démographique oblige les établissements à revoir entièrement leur manière de penser l’organisation du soin. À l’inverse, continuer à accumuler des outils numériques sans vision d’ensemble alourdit les charges, décuple les frictions, et détériore la qualité des soins.

Du retard à la fragmentation : les racines du problème

Dans de nombreux établissements, les systèmes d’information sont encore éclatés, vieillissants, mal interfacés. Certains hôpitaux cumulent plusieurs générations de logiciels, des bases de données en silo, et des services entiers où la transmission d’information se fait encore… sur papier.

Mais ce retard n’est pas qu’une question technique. Il reflète une réalité plus complexe : une organisation fragmentée, avec de multiples parties prenantes, des processus décisionnels lents, des réglementations rigides, et une crainte parfois légitime face au changement.

La ZiRA, un cadre éprouvé pour structurer le changement

Face à cette complexité, la ZiRA propose une réponse à la fois simple et redoutablement structurante. Conçue par Nictiz, le centre néerlandais de compétence pour l’échange électronique d’informations de santé, elle ne se présente pas comme un modèle figé mais comme une collection de modèles évolutifs.

L’objectif ? Offrir une base commune pour organiser, prioriser et piloter la transformation numérique des hôpitaux. Contrairement aux approches purement technologiques, la ZiRA part de la réalité des métiers hospitaliers, pour remonter ensuite vers les systèmes. Elle met en cohérence l’organisation, les processus, l’information, les services et les outils numériques.

Un expert terrain : Pierre Moyen, entre TOGAF, ZiRA et FHIR

C’est justement cette cohérence que recherche Pierre Moyen, architecte d’entreprise certifié TOGAF, qui applique depuis plusieurs années la ZiRA dans des projets complexes. Pour lui, l’architecture de référence permet d’ancrer l’agilité dans des fondations solides : celles qui tiennent compte des flux réels, des contraintes métiers, et des enjeux d’interopérabilité.

Il souligne également l’intérêt de combiner la ZiRA avec le standard FHIR, aujourd’hui incontournable en santé numérique. Cette alliance offre, selon lui, une vraie reprise en main des données, une indépendance vis-à-vis des éditeurs de solutions fermées, et un terrain fertile pour l’innovation médicale.

De la théorie à la pratique : des hôpitaux qui passent à l’action

Plusieurs établissements européens ont déjà sauté le pas.

Le Centre Médical Universitaire Erasmus à Rotterdam, par exemple, a utilisé la ZiRA comme socle de son référentiel d’architecture d’entreprise. Objectif : cartographier l’existant, projeter l’organisation cible, intégrer ses propres spécificités… et mieux gérer les transformations futures.

Même logique à l’Institut Karolinska, où la ZiRA a servi à construire un modèle de capacité anticipant les besoins à l’échelle du comté de Stockholm. Là encore, la démarche dépasse la technologie : il s’agit de structurer les ressources, les flux, les interactions pour mieux piloter l’avenir.

À l’hôpital Antoni van Leeuwenhoek, centre de référence en cancérologie à Amsterdam, la ZiRA a permis d’optimiser la logistique de prise en charge, en modélisant les processus jusqu’au niveau granulaire des tâches de terrain.

Ce que permet (vraiment) la ZiRA sur le terrain

Dans tous ces cas, le cadre méthodologique fourni par la ZiRA a permis de gagner en efficacité organisationnelle, en cohérence des données, et en fluidité des parcours.

Les directeurs d’établissement y voient un outil de pilotage pour les investissements, les DSI une boussole pour guider les projets IT, les professionnels un levier pour alléger les contraintes et retrouver du sens.

Car derrière l’architecture, c’est bien la qualité du soin qui est en jeu. En facilitant la circulation des données, en réduisant la duplication des tâches, en clarifiant les responsabilités et les chaînes de décision, la ZiRA contribue directement à améliorer l’expérience patient, la pertinence des soins, et la capacité de l’hôpital à évoluer dans un environnement mouvant.

ZiRA + FHIR : une synergie stratégique face aux exigences européennes

L’interopérabilité est au cœur du modèle ZiRA. Et c’est ici que le standard FHIR (Fast Healthcare Interoperability Resources) entre en jeu. En structurant les données de santé via des ressources normalisées et des technologies web modernes (REST, JSON…), FHIR permet de rendre concret ce que ZiRA planifie.

Les établissements qui associent ZiRA et FHIR bénéficient d’une double force : une vision d’ensemble claire sur l’organisation, et une capacité technique à échanger des données de manière fluide, sécurisée, évolutive.

Un avantage non négligeable à l’heure où le règlement européen EEDS exige des garanties fortes en matière de partage sécurisé et d’interopérabilité.

Une approche adaptable, pas un dogme rigide

La ZiRA n’est pas un cadre normatif rigide : elle est conçue pour être adaptée, appropriée, et améliorée. Les établissements peuvent choisir les modules les plus utiles à leur contexte, intégrer leurs spécificités locales, et avancer par itérations.

Ce pragmatisme en fait un outil de choix pour les CHU, mais aussi pour les hôpitaux généraux, les groupements hospitaliers ou les cliniques privées. Partout où il est urgent de structurer sans complexifier.

Structurer pour durer

Alors que la santé numérique est plus que jamais sur le devant de la scène, la ZiRA rappelle une vérité essentielle : aucune technologie ne remplace une organisation bien pensée.

En redonnant du sens à la structure hospitalière, elle permet non seulement de moderniser, mais aussi de sécuriser et d’aligner l’innovation avec les réalités du terrain.

Adossée à FHIR, elle constitue un socle robuste pour relever les défis des années à venir : vieillissement de la population, montée en charge des données de santé, exigences réglementaires, attentes des professionnels comme des patients.

La transformation numérique des hôpitaux n’est pas un luxe : c’est une nécessité. Et elle ne se gagne pas sur PowerPoint ou en hackathon, mais dans l’alignement entre stratégie, organisation et technologie.

La ZiRA, en offrant un cadre structuré, adaptable et interopérable, permet à chaque hôpital de reprendre la main sur sa propre transition. Une transition moins dépendante des outils, et plus alignée sur les enjeux de soin. Un changement de cap, en somme : de l’outil vers l’usage, du logiciel vers le patient.

Nicolas Schneider

Nicolas Schneider est expert en transformation digitale et innovation dans le secteur de la santé. Il accompagne les start-ups, établissements de santé et institutions publiques dans la structuration, le déploiement et l’accélération de projets e-santé à impact. Fort de plus de 10 ans d’expérience à l’intersection de la stratégie, du pilotage de projets complexes et de l’innovation numérique, il conjugue vision stratégique, maîtrise du terrain et approche centrée utilisateur/patient pour transformer des idées en résultats concrets.

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