Médecine alternative et site web : solution crédible pour lutter contre des déserts médicaux ou arnaque ?

Déserts médicaux, essor des pratiques non conventionnelles, risques, dérives et pistes d’encadrement : une enquête sur la réalité des PSNC en France.

Le ministère de la Santé français regroupe ces pratiques sous l’étiquette « pratiques de soins non conventionnelles » (PSNC) et rappelle qu’elles ne sont pas reconnues scientifiquement par la médecine conventionnelle et ne font pas partie de la formation médicale standard.

Dans les territoires ruraux, semi ruraux et péri urbains en manque de médecins, on constate un déficit marqué de psychiatre, psychologue et soutien psychologique. Se développent alors des médecines alternatives, ostéopathie, chiropraxie, hypnose, mésothérapie, auriculothérapie, acupuncture… Tous ces termes désignent des pratiques de soins dites non conventionnelles (PSNC), attirant des citoyens, car elles proposent des rendez-vous rapides, une approche globale et une écoute attentive.

Ce renoncement à la médecine traditionnelle qui est fondée sur des preuves et scientifiquement reconnue, inquiète. En première ligne moderne et humaine voire connectée, cette médecine alternative n’a aucune formation médicale prouvée et repose sur des défaillances du système.

Les déserts médicaux, recrutement privilégié d’une médecine alternative

Les pratiques de soins non conventionnels reposent sur des théories non vérifiables. Elles ne correspondent pas à l’objectivité scientifique, mais évoquent des énergies vitales, des flux invisibles, des sensations de bien-être. Elles font appel à des théories subjectives, non méthodologiques, avec perte de chance sur des soins nécessaires et souvent vitaux.

Elles se sont installées dans le paysage des déserts médicaux, car les délais de rendez-vous et les distances pour trouver un médecin traitant s’allongent.

Les médecines alternatives sont sollicitées pour des troubles chroniques à type de douleur persistante, troubles anxieux, dépression. Le défaut de médecine traditionnelle implique un manque de suivi régulier des patients avec des retards de prise en charge des pathologies graves, parfois des aggravations des symptômes, jusqu’à l’isolement social et émotionnels lors d’une pratique sectaire.

La médecine alternative semble être une réponse à cette problématique.

Sous l’égide d’implantation locale forte, ces médecines parallèles proposent une approche globale du patient pouvant aller de l’hygiène de vie en passant par la douleur jusqu’à l’alimentation. Souvent, la relation humaine prime avec des consultations longues et une écoute attentive.

Les consultations de cette médecine non traditionnelle ne sont pas remboursées par la sécurité sociale mais cela ne semble pas être un problème pour les patients en manque de solution à leurs besoins de santé.

Malheureusement, cette alternative de pratique de soins non conventionnels entraîne régulièrement des retards diagnostics, une surcharge financière avec des consultations mensuelles pour « le suivi » et l’illusion qu’on peut tout soigner sans médecin.

L’efficacité de cette pratique de soins non conventionnels est faible. Si l’on prend l’exemple de l’hypnose pour certaines douleurs ou de méditation, des études montrent des effets réels sur le stress et le sommeil. Mais si on la compare avec un placebo ou un suivi standard, l’effet est amoindri.

Un autre exemple est l’acupuncture régulièrement présentée comme efficace sur les troubles anxieux ou l’arrêt du tabac, des études montrent que l’efficacité n’est pas démontrée et non concluante.

Pourquoi les déserts médicaux doivent-ils subir l’effet placebo ?

Les médecines alternatives n’ont jamais fait la preuve de causalité thérapeutique. En revanche, l’effet placébo, le temps consacré aux patients, la relation praticiens – patients, et l’évolution naturelle des symptômes donnent envie d’y croire et d’aller consulter ce type de praticiens.

Malheureusement à terme certains symptômes sont calmés sans traiter la cause puis empirent dans un second temps. La croyance expliquant « qu’on peut éviter des médicaments » entraîne des retards de prise en charge en particulier pour des pathologies lourdes ou chroniques, comme des cancers, diabète ou troubles psychiatriques sévères.

Médecine alternative et dérives sectaires

Les pratiques de soins non conventionnels ne portent pas seulement sur la pseudo efficacité revendiquée, mais également sur un écosystème qui entoure ses pratiques.

La MIVILUDES et les ARS notent que la majorité des signalements de dérives de Santé concerne ce type de pratique.

L’Ordre National des Médecins et les associations de vigilance alertent sur les diagnostics posés sans preuve,  sur des promesses de guérison miracle, sur des discours anti médecine, sur une emprise psychologique voir une exploitation financière.

Le désert médical est un terrain idéal pour les charlatans. Dans les déserts médicaux, les conditions sont réunies pour que ça marche : La solution des médecines alternatives devient crédible et sécurisée, car le médecin traitant est loin, le dossier médical n’est pas partagé, les patients sont souvent isolés.

Que faire pour encadrer ce genre de pratique ?

Plusieurs initiatives se sont développées en particulier, une collaboration inédite entre les médecines alternatives et les applications numériques.

Former les praticiens alternatifs aux signaux de gravité psychique, en particulier sur les risques suicidaires, les troupes psychotiques ou les addictions sévères peut permettre d’orienter alors le patient vers une prise en charge traditionnelle médicale. Les praticiens deviennent des donneurs d’alerte.

Ces médecines alternatives comme la sophrologie ou l’hypnose peuvent avoir comme support des applications transparentes et évaluée avec une approche communautaire.

Ces applications permettent d’avoir une ressource de base et un anonymat rassurant.

Le support des applications numériques d’aide psychologique pour les praticiens alternatifs permet d’apporter des outils concrets pour gérer stress, crises d’angoisse. Il peut être partagé avec un collectif de groupes de paroles, des ateliers, accompagnés par un praticien et offre des espaces d’éducation à la santé mentale. Il propose un suivi continu par des exercices et des rappels personnalisés. Il propose une passerelle humaine quand nécessaire.

La pratique de soins non conventionnels et les applications peuvent former une alliance logique.

Attention, ce système ne remplace pas le médecin, il permet de dépister et de trier les cas les plus graves. Il pourrait former une première ligne

Problème de régulation de la médecine alternative : niveau hétérogène, contrôle faible

Quand l’offre classique recule, les pratiques alternatives avancent. Ce n’est pas une mode récente dans les territoires sous-dotés. Elles comblent un vide.

Certaines pratiques s’appuient sur des cadres conceptuels qui ne correspondent pas à la médecine moderne. Le souci n’est pas « philosophique » : c’est méthodologique. On peut avoir des ressentis positifs avec une méthode, sans que cela valide son modèle explicatif. C’est un point clé que le marketing de l’alternatif brouille souvent.

Les praticiens de solutions alternatives n’ont pas de formation précise. N’importe qui peut s’improviser praticien dans beaucoup de domaines non conventionnels avec peu ou pas de formation. L’académie de médecine insiste sur un point simple : La science doit être au centre de toutes les initiatives .

« Force est de constater que la plupart de ces thérapies sont peu encadrées, qu’il s’agisse des conditions de la formation des praticiens ou de l’hétérogénéité et de la qualité des pratiques délivrées. Les risques qui en découlent sont importants : perte de chance pour les patients, en particulier du fait de retards diagnostiques ou d’un échappement à des soins médicaux indispensables »

Sinon, les pratiques sont sectaires. Même l’OMS place la preuve, la qualité et la régulation comme objectif prioritaire dans la stratégie 2025 2034.

La santé mentale pourrait être accessible à ce type de médecine alternative plutôt comme soutien que comme traitement. Il faut rester vigilant car on ne remplace pas un trouble complexe par un récit simpliste.

La réponse rationnelle est une logique de réduction des risques. Les médecines alternatives peuvent être vues comme un accompagnement, mais non comme une substitution au médecin traitant. Le patient doit être informé sur ce qui est prouvé scientifiquement de ce qui est philosophique.

Alors solution crédible ou arnaque ?

Les médecines alternatives peuvent offrir un réconfort dans les déserts médicaux et avoir un bénéfice par effet placebo sur des symptômes fonctionnels légers. Mais ce n’est pas une solution, même par défaut.

Mettre la preuve au centre de l’activité médicale, protéger les patients, et ne jamais laisser l’alternatif combler un vide avec une perte de chances de traitement et un risque un retard de diagnostic. Cet écosystème est exposé aux dérives pseudo scientifiques et à l’emprise psychologique.

Dans les déserts médicaux, la pratique alternative, lorsqu’elle reste lucide sur ses limites, apporte proximité et écoute. Les applications d’aide psychologique offrent continuité, accessibilité immédiate et outils pratiques.

Ne pas tout rejeter, ne pas tout accepter, réfléchir !

Pascale Karila-Cohen

Dr Pascale Karila-Cohen, radiologue hospitalière, entrepreneuse engagée, fondatrice de docndoc.fr. Collectifs de professionnels de santé luttant contre les déserts médicaux depuis 2016.

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