Re-circulation du COVID-19 et déserts médicaux : une épidémie à deux vitesses
Les hospitaliers sont bien au courant, l’information est passée : la re-circulation du COVID-19 est annoncée. Depuis le pic d’épidémie de septembre 2024, la circulation du Covid en France ne s’est jamais complètement arrêtée.

En avril 2025, les indicateurs épidémiologiques ont montré une reprise progressive avec notamment l’émergence du variant NIMBUS 1.8.1 provenant d’Inde. Bien que le taux d’hospitalisation reste faible, l’OMS appelle à une vigilance accrue. Il faut donc maintenir la surveillance par les tests antigéniques et renforcer la vaccination pour les patients les plus fragiles.
Selon Santé Publique France, les passages aux urgences pour suspicion de Covid ont augmenté de 17 % entre avril et juin 2025.
Initialement prévue pour l’hiver 2024, la campagne annuelle de vaccination a été prolongée jusqu’au 30 juin 2025. La campagne de vaccination est recommandée pour les personnes âgées de + de 65 ans, au même titre que le vaccin contre la grippe.
Comment dépister, orienter, vacciner et suivre les patients fragiles dans les déserts médicaux ? Et si le COVID-19, n’était que le révélateur d’un autre virus tout aussi dangereux : la désorganisation chronique de l’accès aux soins dans nos territoires ?
Une couverture vaccinale inégale selon les territoires
Durant l’hiver 2024, il a été constaté que seules 18,3 % des personnes ciblées ont reçu une couverture vaccinale optimale en particulier, face au nouveau variant NIMBUS 1.8.1. En 2021, la France affichait un taux de vaccination complet de 77 %, mais cette moyenne masquait de fortes disparités territoriales, notamment dans les DROM-COM et en Corse.
Dans les Caraïbes, seule une personne sur sept est complètement vaccinée. En Amérique latine la plupart des pays sont en dessous de 10 % du schéma vaccinal complet. Cette situation alimente une re-circulation globale du virus, avec un risque accru pour les populations fragiles mal protégées.
Où trouver le vaccin et qui est concerné ?
Les vaccins sont disponibles en pharmacie sur commande via Santé Publique France. Les livraisons se font deux fois par semaine. En théorie, le dispositif est accessible. En pratique, dans les zones sous-dotées, la chaîne de vaccination peut connaitre des difficultés.
Les personnes qui sont concernés par une re vaccination contre le COVID sont :
- Des personnes âgées de 65 ans ou plus
- Des personnes immunodéprimées
- Les résidents des Ehpad
- Le personnel soignant
De façon superposable au schéma vaccinal antérieur, la vaccination ne peut se faire qu’à partir du troisième mois après la dernière injection (ou infection).
La résurgence du virus accentue les inégalités territoriales
Selon la DRESS, 87 % de la population française vit dans ce qui est défini comme un « désert médical ». 11 % des Français soit environ 6,7 millions d’habitants n’ont pas de médecin traitant. En 2024, plus de 50% des communes rurales sont considérées sous dotées en médecin généralistes et peu dotées en pharmaciens pour réaliser la vaccination. Les déserts médicaux sont donc particulièrement touchés par la résurgence du virus.
Le délai de prise en charge des patients sans médecins traitants est donc allongé en particulier en cas de symptômes liés au Covid. Ils se retournent vers les urgences, lieux mal adaptés aux épidémies…
Les déserts médicaux entraînent également un délai d’accès au dépistage, à la prescription de médicaments adaptées, et à la surveillance en cas de risque.
À noter que les zones rurales ne sont pas les seules touchées. En effet, il existe de plus en plus de déserts médicaux en périurbain.
Le nouveau variant, à tropisme ORL (laryngite, fièvre, fatigue intense), nécessite un diagnostic rapide et une orientation médicale adaptée. Mais dans de nombreuses zones rurales et périurbaines :
- Le dépistage est difficile (centres fermés ou absents),
- La prise en charge est lente (pas de médecin traitant, urgences surchargées),
- Et la vaccination repose sur une offre fragmentée (peu de pharmacies, absence de maisons de santé).
Ainsi, le fait d’avoir un schéma vaccinal antérieur permet d’atténuer les formes sévères, et donc de limiter les hospitalisations.
Depuis mars 2025, les tests antigéniques ne sont plus remboursés sans prescription médicale, ce qui défavorise les déserts médicaux.
Les personnes âgées et vulnérables, souvent isolées en milieu rural, se retrouvent sans solution de proximité pour se faire diagnostiquer, soigner ou vacciner.
La renonciation aux soins s’accroît : selon l’Ordre des Médecins, 1 médecin sur 3 constate une dégradation de la santé de ses patients fragiles liée au retard ou à l’absence de vaccination.
Déserts médicaux et urgence sanitaire : Quelles solutions ?
Certaines réponses ont montré leur efficacité mais elles restent insuffisamment déployées :
- Le remplacement des médecins et le renfort Covid ont montré leur efficacité pendant la pandémie. Les jeunes professionnels de santé ont découvert des territoires, parfois pour la première fois. Une politique d’attractivité territoriale structurée et engageante reste toutefois nécessaires pour attirer ces soignants durablement. Les territoires doivent sortir de leur douce léthargie.
- La télémédecine apporte une solution et a été accélérée à la suite de la pandémie. Elle est utile pour les cas simples, les suivis, et les symptômes du COVID long. Mais elle ne permet ni le dépistage physique, ni la vaccination.
- La présence de Maisons de Santé Pluridisciplinaires, la possibilité de vaccination par les pharmaciens et maintenant par les infirmières en pratique avancée (IPA) permettent d’étendre les possibilités vaccinales.
- Les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer dans l’organisation de centres éphémères, le soutien à la mobilité sanitaire (vaccibus), ou l’aide à la prise de rendez-vous numériques.
La re-circulation du COVID-19, bien que contenue sur le plan hospitalier agit comme un stresseur systémique sur un système de santé déjà déséquilibré. Des signes clairs de renoncement aux soins et à la vaccination, notamment chez les personnes les plus vulnérables, ont déjà été signalés par l’Assurance Maladie (ameli.fr) et l’Ordre National des Médecins. Dans les territoires sous-dotés, le moindre pic épidémique fait trembler les autorités sanitaires : accès aux tests, lenteur des diagnostics, manque de personnel vaccinateur, ruptures de suivi… tout concourt à une prise en charge dégradée.
Le virus met en évidence une double fracture : sanitaire et territoriale.
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de “gérer simplement une épidémie” mais de savoir comment réorganiser durablement les soins de proximité. Il s’agit d’imaginer une offre de santé résiliente, équitable, et territorialisée, capable de protéger les plus fragiles, là où ils vivent.
Alors, posons-nous les bonnes questions…
- Comment garantir une offre de soins équitable en période de résurgence virale, quand l’accès de base aux soins est déjà compromis ?
- Peut-on continuer à penser la vaccination comme une mesure individuelle, quand son succès dépend de l’accès collectif ?
- La France est-elle prête à faire des territoires ruraux et périurbains une priorité sanitaire durable ?