Dispositif médical : de l’idée au marché, une chronique par Usarea

L’IA : un vrai besoin dans votre projet ?

Aujourd’hui, difficile de passer à côté de l’intelligence artificielle.

Dans le domaine médical, elle est partout : aide au diagnostic, analyse d’images, tri automatisé de données…

L’IA incarne la modernité, l’innovation et le progrès. Mais peu à peu, un réflexe s’installe : “on va faire de l’IA” avant même de savoir pourquoi.

On obtient alors un marché saturé par l’IA et des projets techniquement ambitieux, mais souvent déconnectés de leur usage réel. Des dispositifs qui “font de l’IA”, sans qu’on puisse dire clairement à quoi elle sert.

Alors aujourd’hui, on ouvre le débat : l’IA est-elle toujours une réponse à un vrai besoin ?

Quand la technologie précède le besoin

Depuis quelques années, l’IA suscite un enthousiasme croissant, et ce n’est pas surprenant : cette technologie fascine et impressionne. Certains projets naissent d’un algorithme prometteur, d’une équipe séduite par la technique, ou simplement d’une volonté affichée de “faire de l’IA”. D’autres y voient un moyen d’attirer les investisseurs.

Mais partir de la solution avant d’identifier le problème conduit souvent à des dispositifs sans véritable utilité.

On se retrouve avec des dispositifs intelligents, techniquement brillants, mais inutilisables ou inutiles pour le soignant, le patient, ou le technicien qui doit l’intégrer dans son quotidien.

Ce manque de prise du besoin se repère très tôt dans les projets. On observe :

• Des difficultés à expliquer le besoin,
• Des arguments vagues comme “ça améliore la précision” (sans détails ni preuves concrètes),
• L’absence de retours utilisateurs ou de scénarios d’usage validés.

Imaginez par exemple un dispositif d’aide au diagnostic basé sur l’IA, conçu pour repérer des lésions cutanées à partir de photos prises par smartphone.

Techniquement, l’algorithme est remarquable : il identifie des anomalies en quelques secondes.

Mais sur le terrain, le dispositif échoue : la qualité des images varie trop selon la lumière, le téléphone utilisé, et l’environnement. L’utilisateur perd confiance et finit par ne plus l’utiliser.

Le problème ? Le besoin utilisateur, disposer d’un outil fiable dans des conditions réelles n’avait pas été défini avant le développement.

On se retrouve parfois même en face de porteurs de projet qui demande directement : “vous qui connaissez le terrain, vous pensez que ça peut être utile ?”

Quand cette question du « pourquoi » arrive après le « comment », c’est le signe que la réflexion n’a pas commencé par l’utilisateur. Et cela se traduit par des dispositifs sans direction claire, un développement bloqué, et des ressources investies dans le vide et à la recherche d’un objectif.

Car oui, développer une IA sans besoin solide, c’est investir massivement dans la R&D avant même d’avoir vérifié si la solution est pertinente.

Et comme pour toute erreur d’ergonomie détectée trop tard, corriger après coup coûte très cher.

Un produit peut être technologiquement avancé, attirer des investisseurs et faire parler de lui : s’il est inutile sur le terrain, l’adoption ne suivra pas.

Penser besoin avant technologie

C’est pourquoi il est essentiel, avant même de penser IA, de définir clairement le besoin :

• Quelle tâche l’utilisateur a-t-il du mal à accomplir ?
• Quelle contrainte cherche-t-on à alléger ?
• Quelle étape du processus pourrait être simplifiée ?

Ce travail d’analyse terrain permet de distinguer un vrai besoin d’une solution “qui vend du rêve”, et surtout de vérifier si l’IA est vraiment la bonne réponse.

Parfois, une règle métier simplifié, une meilleure organisation de l’information ou une interface plus claire suffisent.

La vraie question à se poser n’est donc pas “Quel problème résout l’IA ?” ou “Comment l’IA peut régler le problème ?” mais bien “Quelle est la façon la plus optimale de le régler ?”.

L’IA : un vrai levier quand elle répond à un besoin

Cela ne signifie pas que l’IA n’a jamais sa place, bien au contraire.

Elle devient un véritable levier lorsqu’elle :

• Traite une complexité qui dépasse les capacités humaines (analyse d’images, détection de signaux faibles, traitement de grandes quantités de données…),
• Améliore la fiabilité et la sécurité en limitant les erreurs d’utilisation,
• Réduit la charge cognitive, au lieu de la compliquer,
• Elle répond à un besoin clair et identifié.

Dans ces cas-là, l’IA s’intègre naturellement à l’expérience utilisateur et devient un outil au service du besoin, et non le cœur du projet.

L’IA utile est celle qui a un but précis

L’IA ne devrait pas être un argument marketing ni une preuve d’innovation. Les projets les plus solides sont ceux qui partent du terrain, pas de la technologie.

On reconnait un bon projet lorsqu’on peut dire : “Ce dispositif répond à ce besoin grâce à l’IA” et non “Ce dispositif utilise l’IA”, si vous ne savez pas répondre au pourquoi, vous avez loupé une étape.

La démarche centrée utilisateur (ou d’aptitude à l’utilisation dans le cadre des dispositifs médicaux) reste le meilleur garde-fou. Elle oblige à se poser les bonnes questions avant de développer : qui utilisera le produit ? Dans quel contexte ? Pour quoi faire ? Et surtout comment allons-nous répondre à ce besoin ?

Une IA bien pensée, c’est celle qui répond à un besoin concret. Le besoin est la base, l’IA est la solution et non l’inverse. Comme beaucoup d’entrepreneurs le disent “Tomber amoureux du problème, pas de la solution !”