Infox, greenwashing, storytelling : Pourquoi la communication santé doit se réinventer en 2025 ?
Méfiance croissante envers les messages santé : comment les communicants peuvent regagner la confiance sans sacrifier l’efficacité ?


Storytelling à outrance, greenwashing mal assumé, et promesses marketing vidées de leur sens… En 2025, la communication santé traverse une crise de légitimité. Plus que jamais, les communicants doivent choisir entre séduire ou convaincre, et une troisième voie s’impose : restaurer une parole crédible, cohérente, et engagée.
Le grand écart entre les institutions et leurs publics
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En cinq ans, la satisfaction des Européens envers leur système de santé a plongé de 74 % à 56 %, selon le STADA Health Report 2024. Une chute qui traduit plus qu’un malaise conjoncturel : elle incarne une défiance systémique. L’information médicale, autrefois perçue comme référence, est désormais concurrencée par des contenus viraux, souvent non sourcés, parfois très bien produits.
Ce brouillage informationnel a même un nom : l’infodémie. L’ANRS y consacre désormais des travaux entiers en infodémiologie, discipline émergente pour décrypter la circulation des fausses informations en santé. Résultat : les messages validés médicalement n’atteignent plus leur cible, ou n’engagent plus. Ce ne sont plus seulement les médias ou les politiques qui sont en cause, mais les messages eux-mêmes leur forme, leur ton, leur timing.
« À l’ère de l’information instantanée et parfois contradictoire, il est essentiel de s’appuyer sur des sources fiables et transparentes pour établir la confiance. » – Dominique Noël, Festival de la communication en santé
Quand l’impact remplace le fond : l’échec du marketing appliqué à la santé
Ce fossé s’est aggravé sous l’effet de pratiques marketing importées dans l’univers de la santé : promesses miraculeuses, langage inspirationnel, slogans performatifs. En s’inspirant des codes de la tech ou de la cosmétique, une partie du secteur a brouillé son propre message. Dans l’imaginaire collectif, la santé n’apparaît plus toujours comme un bien commun, mais parfois comme un produit à vendre.
Le discours devient alors contre-productif : une promesse trop bien emballée suscite la méfiance. Derrière un slogan comme “réinventer le parcours de soin”, le public perçoit une intention commerciale, pas une amélioration concrète. À cela s’ajoute un usage maladroit des arguments écologiques : matériaux biosourcés, circuits courts, neutralité carbone revendiquée sans preuve. La directive européenne ECGT, entrée en vigueur en mars 2024, impose désormais une démonstration vérifiable de tout engagement environnemental, sous peine de sanction.
Repenser la communication comme un acte de soin
Face à cette défiance généralisée, plusieurs experts appellent à une refondation stratégique. À commencer par les organisateurs du Festival de la Communication Santé, qui défendent une approche fondée sur trois leviers : la transparence, la cohérence éditoriale, et l’empathie sincère.
La transparence ne consiste pas à tout dévoiler, mais à expliquer ce que l’on dit limites d’un traitement, incertitudes d’un protocole, contraintes budgétaires d’un hôpital. Ce positionnement éthique renforce la crédibilité. Une start-up qui assume que son IA est encore en cours de validation inspirera davantage confiance qu’une promesse d’efficacité totale.
La cohérence, elle, demande une gouvernance éditoriale solide. Dans un paysage éclaté entre réseaux sociaux, obligations réglementaires et communication institutionnelle, les écarts de ton sont souvent fatals. D’où la nécessité, selon Éric Phelippeau, icône du Festival de la communication en santé, de « chartes éditoriales pour assurer une tonalité et un style cohérents » et de « comités de gouvernance permettant une supervision stratégique des contenus diffusés. »
Enfin, l’humilité devient une posture stratégique. Dans un contexte où 45 % des Français doutent des messages sanitaires (source : Santé Publique France 2024), assumer les incertitudes ou les zones grises ne fragilise plus l’institution. Au contraire : cette transparence renforce l’adhésion. « L’humilité, plutôt qu’affaiblir, peut renforcer la légitimité d’un acteur dans le domaine de la santé », observe Dominique Noël. À condition, bien sûr, de ne pas sombrer dans un “empathie washing” qui singe l’émotion sans en porter la sincérité.
Des formats et des postures à réinventer
Les campagnes qui parviennent encore à convaincre sont celles qui sortent des formats figés. Face-cam sans montage, témoignages croisés soignants-patients, infographies interactives, formats immersifs audio ou live sur LinkedIn : la proximité, bien plus que l’autorité, devient levier d’impact.
Mais ces efforts de forme ne suffisent pas. Le fond doit suivre. La communication santé ne peut plus être l’affaire d’un service cloisonné : elle doit s’ouvrir aux médecins, cadres de santé, administrateurs, patients partenaires… Tous doivent pouvoir contribuer à un discours commun, plus humain, plus réaliste, plus crédible.
Des campagnes qui montrent la voie
Certaines initiatives récentes traduisent cette évolution. La campagne “Moins de médicaments, c’est médicamieux” du LEEM s’attaque à la surconsommation de médicaments chez les plus de 65 ans, avec un message nuancé : “Au-delà de 5 médicaments par jour, demandez à votre médecin si vous pouvez en prendre moins.” Ce type de message, à la fois responsabilisant et réaliste, fait mouche.
Autre exemple, le “Mois sans tabac” de Santé Publique France, qui mobilise chaque année outils, témoignages, accompagnement, avec un ton positif et non culpabilisant. Ou encore “Vaccination Info Service”, plateforme de référence contre la désinformation vaccinale, construite sur des preuves et un ton accessible.
Toutes ces campagnes partagent un point commun : elles assument une complexité. Elles n’infantilisent pas. Elles proposent, au lieu d’asséner.
Une parole à reconstruire, ensemble
Le contexte actuel n’est pas une fatalité. Il ouvre une opportunité inédite pour les acteurs de la santé de reprendre la main sur leur parole publique. Mais cela demande un virage stratégique, assumé. Sortir des slogans, refuser le jargon creux, préférer le vrai à l’impact.
En 2025, une communication santé ne peut plus “vendre” : elle doit prouver. Plus qu’un levier d’image, elle doit redevenir un maillon actif de la chaîne de soin. La parole médicale est en concurrence ? Elle doit se réarmer, non pas avec des effets d’annonce, mais avec de la clarté, de l’humanité, et du courage.
