Que restera-t-il (vraiment) de 2025 ? État des lieux d’une année sous tension

2025 a bouleversé la santé entre IA, crise du personnel, régulation et coûts. Voici ce qui restera vraiment et ce qui disparaîtra.

2025, l’année où la santé mondiale a cessé de faire semblant

Pour les professionnels de santé, les cadres hospitaliers et les décideurs qui observent le système au quotidien, 2025 aura été une année étrange. Pas spectaculaire en apparence, mais profondément structurante. Une année où l’on aura senti un glissement : les promesses technologiques ont continué d’enfler, tandis que le terrain s’est révélé plus tendu que jamais. La question n’est plus de savoir ce qui a été annoncé, mais ce qui survivra réellement aux douze prochains mois.

Dans un paysage saturé d’IA “révolutionnaire”, de services d’urgence fragilisés, de burnout persistants et de transformations digitales qui avancent plus vite que les organisations, comprendre ce qui restera de 2025 est devenu un exercice de survie stratégique. La santé avance, mais pas forcément dans la direction que les communiqués laissent croire.

L’IA quitte le buzz pour devenir une infrastructure

C’est sans doute le phénomène le plus évident de l’année : l’intelligence artificielle a cessé d’être une expérimentation. Elle est devenue une condition d’existence du système de santé moderne. Les chiffres le confirment : près de deux tiers des organisations de santé utilisent déjà l’IA de manière active. Ajoutez les phases pilotes et l’on atteint un taux d’engagement de 94%, un seuil que le secteur n’avait jamais approché auparavant.

Cette adoption massive n’a rien d’un effet de mode. Aux États-Unis, plus de sept hôpitaux sur dix intègrent désormais des modèles prédictifs directement dans l’EHR. En Europe, les investissements reprennent une trajectoire ascendante après la période de ralentissement post-2022. En France, les financements France 2030 accélèrent la diffusion de solutions opérationnelles. Ce qui restera, ce n’est pas la technologie elle-même : ce sont les usages qu’elle impose.

L’IA 2025 n’est plus une collection d’outils ponctuels. Elle devient un orchestrateur de flux complets : admission, analyse des risques, aide au diagnostic, planification, codage, facturation. Cette intégration totale marque un changement culturel. Le système ne fonctionne plus autour de l’humain épaulé par la machine ; il fonctionne autour de la machine qui organise, et de l’humain qui arbitre.

Un burnout statistiquement en baisse, mais réellement en expansion

L’un des signaux les plus paradoxaux de l’année concerne le burnout. Les indicateurs officiels affichent une légère amélioration, notamment aux États-Unis où le taux retombe sous les 50%. Sur le papier, c’est une bonne nouvelle. Dans les faits, c’est une illusion comptable.

La baisse n’est pas due à une amélioration des conditions de travail, mais à un exode silencieux : les soignants les plus épuisés ont quitté la profession. Les intentions de départ explosent. Les programmations cliniques se réduisent. Le déficit médical projeté avoisine désormais les 86 000 médecins à l’horizon 2036. La situation infirmière est encore plus critique, avec près de 140 000 départs depuis 2022 et une vague de retraites anticipées annoncée pour les cinq prochaines années.

Sur le terrain, rien ne montre un apaisement. Les interruptions numériques se multiplient. La documentation reste la première cause d’épuisement émotionnel. Les équipes travaillent en sous-effectif chronique. Ce qui restera de 2025, ce n’est pas une accalmie, mais l’installation durable d’un système où la pénurie humaine conditionne toutes les décisions.

La crise des effectifs devient le véritable moteur stratégique

2025 marque le moment où la pénurie cesse d’être un risque théorique pour devenir le facteur le plus déterminant du système de santé. Les établissements ont massivement recruté, mais jamais assez pour compenser l’attrition. Les renforts intérimaires sont devenus structurels, avec un coût financier et organisationnel considérable.

Dans les régions rurales, les écarts se creusent : trois fois moins de médecins par habitant qu’en zones urbaines, une baisse annoncée de 23% d’ici la fin de la décennie. Les directions hospitalières ne parlent plus d’innovation comme moteur principal : elles parlent de staffing. Les stratégies s’adaptent : redéfinition des rôles, délégation clinique étendue, réingénierie des parcours, automatisation administrative. Ce qui restera, c’est cette bascule : la technologie ne guide plus la stratégie, la démographie la dicte.

Le digital s’installe durablement dans le soin

L’un des acquis majeurs de l’année concerne l’essor continu de la télémédecine. Longtemps pensée comme une réponse transitoire à la pandémie, elle devient un pilier pérenne. Avec le renouvellement des couvertures Medicare, le soin à distance s’est ancré dans la durée.

Les usages suivent : plus de quatre Américains sur dix l’utilisent régulièrement, et chez les millennials, la préférence pour le virtuel dépasse les 70%. Dans les campagnes, l’adhésion est massive. Et l’Europe suit une trajectoire similaire. À mesure que les patients s’habituent à être suivis en continu grâce aux wearables et à la télésurveillance, l’idée même d’une médecine centrée uniquement sur la présence physique disparaît.

L’interopérabilité, de son côté, progresse enfin. TEFCA s’applique, FHIR devient incontournable et 129 pays disposent d’une stratégie nationale pour la donnée de santé. Ce qui restera, c’est l’évidence que le dossier patient est désormais une infrastructure mondiale.

Le coût du soin explose et les gouvernements reprennent la main

2025 restera également comme l’année où les mécanismes économiques ont craqué. L’inflation médicale dépasse l’inflation générale. Le coût des assurances atteint des niveaux record. Les hôpitaux absorbent des pertes colossales. Et pourtant, un mouvement profond se détache : les gouvernements réapprennent à réguler.

Entre Medicare qui négocie les prix de médicaments stratégiques, les rabais massifs imposés par les programmes Most Favored Nation ou les mécanismes européens de régulation tarifaire, 2025 installe une dynamique nouvelle. La santé devient un terrain de négociation politique active, bien plus qu’un marché livré à lui-même. Ce qui restera : la prise de pouvoir progressive des autorités publiques sur le prix des traitements.

Un marché de l’innovation qui se concentre

Le financement de la santé a continué de croître en 2025, mais il s’est concentré comme jamais. Les deals sont moins nombreux, mais plus massifs. Le capital-risque favorise les acteurs capables de démontrer un modèle économique clair. Les mégarounds se multiplient dans l’IA appliquée au médicament ou à la science computationnelle.

Ce qui restera n’est pas l’euphorie mais la sélection. Les startups sans usage réel disparaîtront. Celles qui démontrent une valeur clinique durable survivront. Le secteur entre dans une décennie où la robustesse l’emporte sur le storytelling.

Une année d’installations plus que de révolutions

Quand on relit 2025, on pourrait croire à un patchwork d’avancées, de tensions et de demi-mesures. Mais l’essentiel est ailleurs : cette année aura posé les fondations de la santé 2030. L’IA cesse d’être une promesse. Le déficit humain devient le sujet central. La régulation se renforce. Les données deviennent une infrastructure mondiale. Le pricing se durcit.

Et ce qui disparaît, paradoxalement, ce sont les illusions. L’illusion que la technologie compensera les déserts médicaux. L’illusion que l’IA libérera automatiquement du temps clinicien. L’illusion que la transformation digitale suffira pour sauver les finances hospitalières.

2025 est une année-pivot, pas une année-rupture. Ce qui restera, c’est la structure. Ce qui s’effacera, ce sont les slogans. Et c’est sans doute ce dont le système de santé avait le plus besoin.

Mickael Lauffri

Passionné par l'innovation technologique et l'impact de la science sur la médecine, je suis rédacteur spécialisé dans le domaine des technologies médicales.

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