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« Le cancer de mon père a tout changé » : Charlotte Berthaut mobilise les entreprises pour prévenir les cancers avec le Challenge CAC40

Médecin anesthésiste-réanimatrice, Charlotte Berthaut a fondé Dépist&vous après un déclic personnel : un mélanome familial détecté trop tard. Pour elle, la prévention ne doit plus rester cantonnée à des affiches : elle doit entrer dans les lieux de vie. Avec le Challenge CAC40, elle veut faire des entreprises un levier structurant de lutte contre les cancers.

Pour Charlotte Berthaut, ce diagnostic trop tardif a marqué un tournant. Médecin anesthésiste-réanimatrice, elle décide alors de sortir du cadre hospitalier pour s’attaquer à l’amont : celui de la prévention. Avec Dépist&vous, elle propose des actions concrètes de sensibilisation et de dépistage directement en entreprise. Son objectif : faire du Challenge CAC40 un mouvement national pour intégrer la prévention des cancers dans la culture RH et managériale. Un enjeu de santé publique autant que de qualité de vie au travail.

Medtech France : Charlotte, vous êtes médecin anesthésiste-réanimatrice, fondatrice de Dépist&vous, et engagée dans la prévention du cancer. Qu’est-ce qui vous a conduite à sortir du seul cadre hospitalier pour vous emparer de ce combat de santé publique ?

Charlotte Berthaut : Je crois que tout a commencé par une accumulation de diagnostics (trop) tardifs. Et puis il y a eu ce moment précis, personnel : le mélanome de mon père, découvert à un stade avancé. Ce jour-là, j’ai compris à quel point le mot “prévention” sonnait creux s’il ne s’incarnait pas dans des actes concrets. À l’hôpital, j’avais ce sentiment de toujours arriver “après”, alors que tant de choses pouvaient être faites “avant”.

M.F : Vous avez souvent dit : “J’arrivais trop tard.” Aujourd’hui, comment définiriez-vous votre mission en tant que médecin-entrepreneure ?

C.B : Ma mission, c’est de réinvestir l’amont du soin. De transmettre, de rendre accessibles les bons gestes, les bons réflexes autour du dépistage du cancer. D’innover aussi, parce que la prévention ne peut pas se contenter d’affiches dans des couloirs ou des abribus. Il faut toucher, faire comprendre, faire ressentir. Et surtout, faire en sorte que chacun se sente concerné et acteur de sa santé.

M.F : Votre plateforme s’appuie à la fois sur le numérique et sur des ateliers. En quoi cette double approche permet-elle de lever les freins actuels au dépistage ?

C.B : Le numérique nous permet de personnaliser le message, de l’envoyer au bon moment, avec des rappels utiles et des recommandations ciblées. Mais le digital ne suffit pas. Les ateliers sont essentiels : ils créent de la confiance, de l’échange. C’est là que les tabous tombent, que les fausses croyances se corrigent, et que la parole circule vraiment. Enfin, il faut passer à l’action, et c’est pourquoi nous proposons désormais des journées de dépistages sur site dédié au cancer de la peau.

M.F : Dans les entreprises que vous accompagnez, quels sont les blocages les plus fréquents face au dépistage ?

C.B : Le plus fréquent, c’est le fameux “ça ne me concerne pas” ou “je suis trop jeune”. Il y a aussi la peur de déranger, la gêne d’en parler, surtout chez les hommes. Et beaucoup pensent encore qu’il faut avoir des symptômes, qu’un dépistage, c’est long, compliqué… Les retours terrain montrent bien ces freins : ce sont souvent des barrières culturelles ou émotionnelles plus que médicales.

M.F : Pourquoi, selon vous, les entreprises ont-elles un rôle essentiel à jouer aujourd’hui dans la lutte contre les cancers ?

C.B : Parce qu’elles sont des lieux de vie. Parce qu’elles rassemblent chaque jour des millions de femmes et d’hommes en âge d’être concernés. Parce que 400 diagnostics de cancer tombent chaque jour chez des personnes en activité. Et parce que l’entreprise a cette capacité à embarquer collectivement, à créer une dynamique.

M.F : Certaines structures hésitent encore à s’impliquer. Que diriez-vous à un dirigeant ou un DRH pour les convaincre de passer à l’action ?

C.B : Je leur dirais que la santé est un formidable levier d’engagement, de fidélisation. Que la prévention est une action concrète de qualité de vie au travail (QVCT), avec un vrai retour sur investissement – humain et économique. Et que cela peut commencer très simplement : un atelier, une campagne, un mail bien pensé.

M.F : Le Challenge CAC met en lumière 40 entreprises engagées. Quelle a été la genèse de cette initiative ? Et pourquoi ce chiffre symbolique de 40 ?

C.B : Nous avons lancé ce projet avec GEFLUC France & Île-de-France pour créer un mouvement fédérateur, lisible et inspirant. Le chiffre 40 est un clin d’œil au CAC 40, en se disant « et si nous classions les entreprises pour leur engagement dans la prévention des cancers ? »

M.F : Quelles sont les premières retombées observées du Challenge CAC ?

C.B : Nous voyons déjà une vraie dynamique : plus de 70 entreprises se sont engagées, et plus globalement des salariés qui remercient leur entreprise de se préoccuper de leur santé, des retours très positifs en interne.

M.F : À terme, quel serait votre objectif avec ce challenge ?

C.B : Créer un vrai mouvement de fond. Que la prévention devienne un réflexe collectif, une partie intégrante de la culture d’entreprise. L’idée, ce n’est pas juste de sensibiliser, mais de transformer durablement les pratiques RH, et pourquoi pas, contribuer à faire émerger une politique nationale de prévention en entreprise.

M.F : Et enfin, si vous deviez résumer en une phrase ce que chaque entreprise devrait comprendre aujourd’hui sur le dépistage, ce serait laquelle ?

C.B : Le dépistage, c’est la seule réunion où tout le monde est invité, et il faut arriver à l’heure : c’est là que tout peut changer !

Clémence Minota

Je suis rédactrice spécialisée en santé et innovation, passionnée par l'impact des technologies sur l'évolution des soins médicaux. Mon expertise consiste à décrypter les dernières avancées du secteur et à fournir des contenus clairs et pertinents pour les professionnels de santé.

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