Imagerie : ce que le dispositif médical numérique change vraiment au moment du choix

Choix, usage, pertinence : comment les outils numériques transforment l’imagerie médicale dans la décision clinique.

Scanner ou IRM ? Centre public ou privé ? Avec ou sans injection ? Face à ces décisions, les professionnels sont de plus en plus confrontés à une nouvelle variable : le numérique. Pas le numérique gadget, mais celui qui structure les flux, éclaire la pertinence clinique, réduit les délais ou évite les examens redondants. Et là, tout change.

Des outils d’aide au choix qui influencent la prescription

Le moment du choix d’un examen d’imagerie est devenu plus complexe et plus stratégique. Grâce à l’intégration croissante des outils numériques dans les logiciels métiers, les médecins ne choisissent plus seulement un type d’imagerie, mais un prestataire, une modalité, un protocole et un créneau, en fonction de critères cliniques, économiques et logistiques croisés.

Dans certains hôpitaux, les plateformes numériques comme XperLink, Imalogix ou Whoog Imagerie permettent de suggérer en temps réel l’examen le plus pertinent selon le dossier médical, l’historique des actes réalisés, les délais d’obtention, et même les recommandations de bonne pratique HAS.

Côté ville, les solutions comme AvecMonDoc ou KelDoc Radiologie permettent aux généralistes ou aux spécialistes d’orienter leurs patients vers un centre d’imagerie disponible, compatible avec leur situation clinique, et parfois, remboursé plus rapidement. Résultat : moins d’erreurs de prescription, moins de redondance, et un gain de temps pour tout le monde.

Selon un audit mené en 2024 dans un groupement hospitalier du Grand Est, l’usage d’un outil de décision intégré aux logiciels métiers a permis une réduction de 18 % des examens d’imagerie non pertinents dans les services de médecine interne.

Un nouveau rôle pour les manipulateurs radio et les radiologues

Le numérique ne change pas que la prescription. Il modifie aussi profondément le rôle des professionnels en aval du parcours.

Les manipulateurs radio, grâce à des interfaces intelligentes, peuvent mieux préparer les patients, anticiper les contre-indications, et ajuster les protocoles avant même l’arrivée dans la salle d’examen. Des logiciels comme Radiolink, NeoLog ou les modules développés par Philips Healthcare proposent des check-lists dynamiques, des suggestions de paramétrage optimisé, ou des rappels réglementaires adaptés au profil du patient.

Pour les radiologues, la montée en puissance des outils d’aide à la décision diagnostique en particulier ceux intégrant de l’IA rebat les cartes. Des systèmes comme Aidoc, CureMetrix ou Gleamer ne visent pas à remplacer le regard clinique, mais à signaler les anomalies probables, à hiérarchiser les urgences, ou à suggérer des diagnostics différentiels à investiguer.

Conséquence directe : la qualité de lecture s’améliore dans certains contextes à faible volume ou à forte charge mentale, notamment en imagerie thoracique ou en radiologie ostéo-articulaire.

Dans une étude menée au CHU de Rennes, l’intégration d’un système d’IA dans la lecture des radiographies pulmonaires a permis de réduire de 24 % les faux négatifs en contexte de forte activité aux urgences.

Pertinence, délais, trajectoires : des choix plus structurés

L’impact des outils numériques va au-delà de la technique. Il redessine aussi la logique des parcours.

La question du bon examen au bon moment, longtemps traitée en aval (lors du compte-rendu), est désormais anticipée dès la prise de rendez-vous. Certaines plateformes comme Doshasoft ou Imadis analysent la demande en temps réel et la comparent aux antécédents du patient, aux disponibilités du centre, et aux résultats déjà obtenus ailleurs (si interopérabilité le permet).

Cela permet d’éviter les doublons, d’orienter vers un autre type d’examen (scanner vs IRM, échographie vs radio), ou de prioriser certaines indications (urgence, dépistage, suivi).

Dans les parcours oncologiques, des outils comme Rayscape ou OncoPredict commencent à structurer des trajectoires image-guidées : les choix d’imagerie ne sont plus ponctuels, mais intégrés dans une stratégie diagnostique ou thérapeutique globale.

Maisons de santé, centres d’imagerie, hôpitaux : les écarts se creusent

Sur le terrain, tous les professionnels ne disposent pas des mêmes moyens. Certains centres de radiologie libéraux, fortement numérisés, disposent déjà de systèmes d’optimisation des flux, de pré-analyse IA et de suivi intelligent des comptes-rendus. À l’inverse, des cabinets de ville ou des hôpitaux périphériques utilisent encore des systèmes en silos, peu interopérables.

Cela crée une double inégalité : inégalité de choix pour le médecin prescripteur, et inégalité d’accès à une imagerie optimisée pour le patient. Dans une enquête menée en 2024 par France Radiologie, 62 % des généralistes déclarent « ne pas savoir exactement à quoi sert un outil d’aide au choix en imagerie », faute de formation ou d’outils disponibles.

C’est tout l’enjeu des futures orientations de France Numérique Santé et des prochaines vagues du Ségur numérique : intégrer pleinement l’imagerie dans les flux médicaux et non comme un segment isolé.

Le numérique ne fait pas tout, mais il modifie les arbitrages

Attention toutefois à ne pas surestimer le rôle du numérique. Les choix d’imagerie restent avant tout cliniques, discutés entre professionnels, et contextualisés. Mais la présence de données, d’outils prédictifs, de plateformes de coordination change clairement la façon dont ces décisions sont prises.

Ce qui change vraiment avec le numérique, c’est que le choix de l’imagerie n’est plus uniquement une demande technique. C’est un arbitrage global, entre pertinence clinique, accès, délais, coûts, et parcours futur.

À terme, le numérique pourrait permettre d’intégrer l’imagerie comme un pivot des parcours, plutôt qu’un simple point de passage. C’est déjà le cas dans certaines pathologies chroniques (cardio, oncologie, neurologie), où les choix d’imagerie conditionnent les adaptations thérapeutiques.

Mais pour que ce tournant s’opère réellement, il faut que les outils soient accessibles, interopérables, et qu’ils ne viennent pas alourdir la charge cognitive ou administrative des professionnels.

Loin de n’être qu’un progrès technique, le numérique transforme la fonction même de l’imagerie dans le soin. En aidant à mieux choisir, à mieux lire, et à mieux coordonner, il offre une opportunité unique de replacer l’imagerie au cœur de la stratégie clinique. Mais encore faut-il que les usages suivent les ambitions, et que les outils soient pensés pour et avec les professionnels du terrain.

Clémence Minota

Je suis rédactrice spécialisée en santé et innovation, passionnée par l'impact des technologies sur l'évolution des soins médicaux. Mon expertise consiste à décrypter les dernières avancées du secteur et à fournir des contenus clairs et pertinents pour les professionnels de santé.

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