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Et si une myopathie rare pouvait être inversée ? Des chercheurs strasbourgeois l’ont démontré dans une étude

Une équipe strasbourgeoise démontre qu’il est possible non seulement de prévenir, mais aussi d’inverser une forme rare de myopathie génétique. En ciblant précisément le gène en cause (BIN1) avec un vecteur viral musculaire, les chercheurs réparent les muscles malades chez la souris. Un espoir concret pour les cliniciens, chercheurs et industriels impliqués dans les maladies neuromusculaires.

Thérapie génique ciblée : vers un traitement pour la myopathie liée à BIN1

Dans le domaine des maladies rares, les progrès en thérapie génique se mesurent souvent en décennies. Mais à Strasbourg, une équipe de l’IGBMC (Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) vient de franchir un cap historique. Leur étude, publiée dans Molecular Therapy, démontre l’efficacité d’une thérapie génique ciblée pour traiter une forme de myopathie centronucléaire liée à des mutations du gène BIN1. Une autre publication avait déjà mis en lumière une découverte similaire concernant la surdité chez les enfants.

Jusqu’ici incurable, cette pathologie rare provoque une faiblesse musculaire progressive dès l’enfance. En agissant directement sur les cellules musculaires grâce à un vecteur viral de nouvelle génération (nommé MyoAAV4A), l’équipe du Dr Jocelyn Laporte est parvenue à restaurer une fonction musculaire normale chez des souris atteintes.

Une stratégie thérapeutique fondée sur la précision génétique

Le pari de cette recherche ? Remplacer le gène déficient directement dans les cellules musculaires atteintes, sans affecter les autres tissus. Pour cela, les chercheurs ont introduit une version saine du gène BIN1, spécifiquement exprimée dans le muscle squelettique, en utilisant un virus inactivé comme vecteur.

Contrairement au vecteur AAV9 traditionnel, la nouvelle version MyoAAV4A cible exclusivement le tissu musculaire, limitant les effets hors cible. Résultat : chez des souriceaux traités dès la naissance, aucun symptôme de la maladie n’est apparu. Mieux encore : un traitement administré après le début de la maladie a permis d’inverser les troubles moteurs, l’atrophie et les anomalies de contraction musculaire.

En quatre semaines, les tissus musculaires retrouvaient une structure normale, et les marqueurs biologiques indiquaient une restauration complète de la fonction cellulaire.

Pourquoi ce papier de recherche n’est pas une avancée de plus, mais un tournant

Ceux qui suivent les maladies neuromusculaires savent combien la route est longue entre un gène identifié et une thérapie validée. Ce que l’équipe strasbourgeoise vient de démontrer, c’est qu’on peut franchir deux étapes d’un coup : prévenir la maladie et restaurer la fonction musculaire après son déclenchement. Pour les cliniciens, c’est un changement de perspective. Jusqu’ici, tout se jouait dans le suivi des symptômes, avec des prises en charge palliatives et une surveillance au long cours. Ici, on entrevoit un scénario où le traitement pourrait précéder la maladie.

Côté biotech, l’étude met un coup de vieux aux vecteurs viraux classiques. Le MyoAAV4A, vecteur de nouvelle génération, ne se contente pas de faire “mieux que le standard” (AAV9), il introduit une nouvelle exigence : celle de cibler le muscle, et lui seul. Dans un contexte où les autorités renforcent la vigilance sur les effets off-target en thérapie génique, cette spécificité redéfinit les standards attendus. De quoi intéresser les porteurs de projets en phase préclinique.

Et pour les chercheurs ? Le message est clair : c’est la bonne isoforme du bon gène, au bon endroit, qui fera la différence. L’approche développée ici repose sur une version spécifique du gène BIN1 exprimée uniquement dans les muscles squelettiques. Cela montre que la finesse de la correction génétique peut être aussi importante que sa puissance. Autrement dit, on ne soigne pas BIN1 partout, on soigne le BIN1 musculaire, là où ça compte.

Et après ? Vers des essais cliniques et d’autres applications thérapeutiques

Le champ d’application de cette découverte pourrait aller bien au-delà des myopathies. En effet, le gène BIN1 est également impliqué dans certaines pathologies cardiaques, des formes de cancer, et même la maladie d’Alzheimer. La capacité à restaurer son expression correcte dans un tissu ciblé ouvre des perspectives transversales en médecine de précision.

Comme le résume la première autrice Jacqueline Ji :

« C’est une preuve de concept robuste pour une thérapie génique musculaire, avec une efficacité démontrée et une sécurité renforcée grâce au ciblage précis du vecteur. »

La prochaine étape : engager une phase préclinique réglementaire en vue d’un essai chez l’humain. Le défi sera notamment de vérifier l’efficacité sur des tissus humains, de stabiliser la production du vecteur, et d’assurer un profil de sécurité conforme aux exigences de l’EMA et de la FDA.

À retenir

Ce type d’innovation marque un tournant pour la génétique médicale : passer d’un traitement symptomatique à une réparation ciblée du gène responsable. Pour les équipes hospitalières, les chercheurs en neuromusculaire et les porteurs de projets biotech, l’étude de l’IGBMC est bien plus qu’un signal faible. C’est un jalon dans une nouvelle génération de thérapies de précision dont les premières applications humaines pourraient émerger dans les années à venir.

Clémence Minota

Je suis rédactrice spécialisée en santé et innovation, passionnée par l'impact des technologies sur l'évolution des soins médicaux. Mon expertise consiste à décrypter les dernières avancées du secteur et à fournir des contenus clairs et pertinents pour les professionnels de santé.

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