Femtech et Innovation Santé 2030 : quand la tech se décide enfin à écouter les femmes

La femtech s’impose comme un moteur médical et sociétal. Un secteur en plein essor pour corriger les inégalités de santé d’ici 2030.

Sept ans à attendre un diagnostic

Sept ans. C’est le temps qu’attend en moyenne une femme avant qu’un médecin pose enfin le mot “endométriose” sur ses douleurs. Sept ans à multiplier les rendez-vous, à entendre que “c’est normal d’avoir mal”, à perdre patience et parfois confiance. Cette errance médicale est tout sauf un détail : elle dit beaucoup du retard accumulé dans la prise en charge de la santé féminine.

Et ce n’est pas un cas isolé. Les maladies cardiovasculaires ? Première cause de mortalité chez les femmes en France, mais encore trop souvent pensées comme des “maladies d’hommes”. Résultat : elles tuent 56 % des femmes concernées, contre 46 % des hommes. On pourrait aussi parler de la recherche clinique : jusqu’aux années 1990, la majorité des essais excluaient purement et simplement les femmes. Aujourd’hui, seuls 4 % des budgets R&D biopharma leur sont consacrés.

L’angle mort est énorme. Et c’est précisément ce que la femtech a décidé de prendre à bras-le-corps.

La femtech, c’est quoi concrètement ?

Derrière ce mot-valise qui circule de plus en plus, il y a une idée simple : utiliser la technologie pour répondre aux besoins spécifiques des femmes en santé. Pas pour vendre un gadget rose bonbon. Mais pour s’attaquer à de vrais problèmes médicaux.

En 2025, la France compte déjà 170 startups actives, dont 94 % fondées par des femmes. Certaines misent sur l’intelligence artificielle pour accélérer le diagnostic de l’endométriose, d’autres sur des applis de suivi hormonal qui redonnent du contrôle au quotidien. La startup française Perifit, par exemple, a gamifié la rééducation périnéale. Résultat : plus de 300 000 femmes concernées dans 90 pays.

Et ça ne s’arrête pas là. La femtech s’invite aussi en psychiatrie, où elle aide à améliorer la précision des diagnostics, ou encore dans la fertilité. Solence, jeune pousse française, propose une thérapie numérique ciblant le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques). Le tout avec une idée claire : moins de parcours du combattant, plus de solutions concrètes.

Un marché qui pèse de plus en plus lourd

On pourrait croire à un phénomène de niche. C’est tout le contraire. Le marché mondial de la femtech est estimé à 60,2 milliards de dollars en 2024. D’ici 2030, il pourrait atteindre entre 97 et 135 milliards. Une croissance annuelle de près de 17 %.

En France, l’écosystème n’a rien d’anecdotique non plus. Les startups femtech ont généré 42,8 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulé en 2025. Près de la moitié prévoit une levée de fonds, pour un total estimé à 93 millions d’euros. Et pour la première fois, un fonds d’investissement spécifiquement dédié à la femtech, “FemTech Île-de-France”, a vu le jour, avec cinq millions d’euros au démarrage et un objectif de 40 millions.

Autrement dit : l’argent commence à suivre. Reste à voir si la reconnaissance suivra, elle aussi.

Les défis qui coincent encore

Parce que tout n’est pas gagné. Beaucoup d’investisseurs continuent de regarder la femtech comme un “petit marché”. Comme si la santé de la moitié de l’humanité relevait du segment marginal. Convaincre qu’il s’agit d’un enjeu global, ce n’est pas seulement un combat économique, c’est aussi un combat culturel.

Autre obstacle : le remboursement. Pour que les dispositifs passent du statut de “bien-être” à celui d’outil médical reconnu, il faut franchir le mur de la validation clinique. Coûteux, exigeant, mais indispensable si l’on veut sortir du tout-accessoire. En 2025, 43 % des startups femtech françaises se positionnent déjà clairement sur la santé publique. L’enjeu, désormais, est de décrocher des preuves, des homologations, et demain des remboursements par l’Assurance Maladie.

C’est la condition pour que la femtech ne reste pas cantonnée aux applis smartphone mais entre vraiment dans les pratiques médicales courantes.

Un moteur de transformation sociétale

Au-delà des chiffres, ce secteur porte aussi une autre révolution : celle des profils. 95 % des fondatrices de startups femtech sont des femmes. Ça change la manière de concevoir les solutions, ça change le regard porté sur les patientes. L’expérience vécue devient un moteur d’innovation.

Et l’impact dépasse la seule santé des femmes. Car intégrer le genre dans la médecine profite aussi aux hommes. Des parcours de soins plus précis, des diagnostics plus personnalisés, des traitements mieux adaptés : tout le monde y gagne.

La France bien placée pour jouer un rôle clé

Sur la scène européenne, la France n’est pas à la traîne. Avec ses 170 startups, elle devance l’Allemagne et talonne le Royaume-Uni. L’initiative “Femtech Across Borders”, qui fédère 74 pays, illustre bien la dynamique mondiale. Et Paris pourrait bien devenir un hub majeur en Europe d’ici 2030, si les conditions de financement et de régulation continuent de s’améliorer.

La convergence avec les politiques publiques joue en faveur de ce mouvement. La stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, les financements dédiés à la santé des femmes et des couples, ou encore le plan “Smart-Santé” montrent que les pouvoirs publics commencent à prendre le sujet au sérieux.

Une chance unique d’ici 2030

Alors, pourquoi 2030 serait-elle une échéance clé ? Parce que tous les curseurs s’alignent. Une prise de conscience sociétale, un marché en expansion, un écosystème entrepreneurial solide et des politiques publiques qui s’emboîtent.

Si les freins de financement et de remboursement sont levés, la femtech française peut devenir un laboratoire à ciel ouvert d’une médecine plus équitable. Pas une médecine “pour les femmes” au sens réducteur du terme, mais une médecine qui prend enfin en compte la diversité des corps, des parcours et des vécus.

La femtech, ce n’est pas un slogan, c’est une correction. Celle d’un retard historique qui a coûté des vies, du temps et de la confiance. En 2030, le secteur pèsera des milliards, mais ce qui comptera vraiment, c’est la capacité à transformer le quotidien des patientes et des soignants.

L’innovation a souvent été critiquée pour ses gadgets. Ici, elle peut être l’outil d’une justice médicale longtemps attendue. Aux acteurs de santé, aux décideurs et aux investisseurs de comprendre que l’opportunité est là. Et qu’elle ne repassera pas deux fois.

Clémence Minota

Je suis rédactrice spécialisée en santé et innovation, passionnée par l'impact des technologies sur l'évolution des soins médicaux. Mon expertise consiste à décrypter les dernières avancées du secteur et à fournir des contenus clairs et pertinents pour les professionnels de santé.

Dans la même catégorie

Bouton retour en haut de la page
1s
toute l'actualité sur l'innovation médicale
Une fois par mois, recevez l’essentiel de l’innovation en santé, sans spam ni surplus.
Une newsletter totalement gratuite
Overlay Image